Huit silhouettes, hommes et femmes, dans des maillots de trapéziste scintillants et bougeant à l’unisson. Comme un organisme à huit têtes. Comme un détachement de forces de l’ordre. Un ordre qu’il faut maintenir. A quel prix ? C’est la question que pose ce théâtre minutieusement chorégraphié.
Maintenir l’ordre ? Sans remonter jusqu’au temps de la dictature, les Chiliens ont assez de raisons de poser la question. Le pays a eu, et encore en janvier 2019, ses manifestations de masse, ses affrontements de rue, ses saccages et ses violences en bleu (ou quelle que soit la couleur des uniformes). Alors, oui : maintenir l’ordre. Au nom de quelle légitimité ? Comment un Etat démocratique s’approprie-t-il la violence légale ? Qui utilise et contrôle cette violence d’Etat ? Comment fait-elle consensus dans une démocratie ? Théâtre politique que celui-là, dira-t-on. Par les questions qu’il pose, certes. Mais la compagnie La Re-Sentida développe avant tout une esthétique qui captive le regard : ses huit femmes et hommes en extravagants maillots de cirque se meuvent au milieu de sons étranges, dans un espace indéfini où apparaissent des créatures-monstres, des auteurs de violences, des victimes des précédents… Loin d’un théâtre du réalisme et pourtant si près des questions qui sous-tendent nos vies démocratiques.