Pas tout à fait Jarry mais tout de même : grotesque, flamboyant, outrancier, chamarré… Tel est l’archétype Ubu revisité par le grand Robert Wilson. Ici on danse, on chante, on évolue dans des tableaux qui semblent sortir de l’atelier de Miró. Une fête des sens.
Tous les étiquetages semblent réducteurs dès lors qu’ils s’adressent à Bob Wilson. Metteur en scène ? Insuffisant. Auteur ? Pas seulement ? Sculpteur ? Peintre ? Pas tout à fait encore… Artiste alors… Artiste avec un grand A et cette vision d’Ubu Roi en atteste suffisamment. Ici, la pièce de Jarry sert de matériau : Wilson y puise le sens inné du grotesque, le parfum de provocation, l’outrance qui font de l’œuvre un éternel brûlot. Mais c’est son œil de plasticien, de peintre ici admirateur revendiqué de Miro, qui fait de cet Ubu tout court un prodigieux objet visuel. Les rôles y disparaissent au profit d’une performance d’ensemble : habillés de lumière et de costumes extravagants, les acteurs se confrontent aux sons, aux marionnettes, aux animaux, aux danses grotesques qui se nouent et se dénouent sur la scène. Chaque spectateur peut ainsi se faire sa représentation de ce qu’est la barbarie. Une barbarie somptueusement mise en images qui ont du mal à s’effacer des mémoires.